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Le blog de Cendrine BERTANI

Le parcours d'une jeune romancière confrontée au monde de l'édition.

Dépressions ( Nouvelle de l'automne 1993 ) : 5, le final

Publié le 8 Mars 2013 par Cendrine BERTANI in Nouvelles

    Etienne Diacroix ne sut jamais pourquoi il avait accepté de suivre un junkie jusqu'au squatt où son dealer proposait de la drogue aux jeunes paumés de son genre. Il s'était laissé convaincre. Un instinct de père ? Une folie d'ivrogne ? Une pulsion de violence ?

    Les fournisseurs de drogue géraient une sorte de thérapie parallèle aux soins que des psychiatres comme lui pouvaient offrir à des patients qui avaient choisi de rompre avec la société. De s'isoler. De sombrer dans l'infernale spirale du renoncement. 

    Plus tard, quand il aurait ce crime  -cet acte de justicier, comme il aimerait l'appeler- sur la conscience, il comprendrait qu'il n'avait pas été choisi par hasard.

    Ce devait être un dessein divin. S'il avait moins bu ce soir-là, s'il avait refusé d'accompagner Frank dans cet endroit sordide où des enfants en mal d'affection, en perte de repères, en souffrance, tuaient leur peine à petites doses, il n'aurait pas sauvé des âmes errantes.

    Il n'aurait pas pu secourir Mathilde. Sa fille. Sa propre chair. Son sang.

    Quand il avait fracassé la porte du squatt d'un coup d'épaule, qu'il avait planté sa lame de cuisine dans la poitrine de celui qui distribuait les doses, il l'avait vue. 

    A terre. Une seringue plantée dans le bras. Les yeux révulsés. Le coeur arrêté.

    Frank l'avait aidé à relancer le rythme cardiaque de Mathilde. Etienne Dicaroix avait dû injecter une ampoule d'adrénaline dans la poitrine de son enfant. Pour la voir renaître. Pour lui sauver la vie. Pour lui permettre de se reconstruire. 

    Il serait à ses côtés pour l'accompagner dans une thérapie. La confier aux bons soins d'un collègue. La remettre sur pieds. Comprendre comment elle avait pu se laisser glisser si bas.

    Si les flics ne venaient pas l'arrêter, lui qui avait du sang sur les mains...

    Mais il avait mis des gants. Personne ne le connaissait dans ce quartier glauque. Les témoins étaient out.

    Les ambulanciers avaient compris qu'il était le père de la victime, qu'il avait suivi le petit-ami de sa fille sur les lieux pour une intervention médicale d'urgence.

    On croirait qu'un drogué s'était battu avec son dealer pour la drogue, que Frank avait emportée.

   Quand Etienne Diacroix s'était retrouvé dans l'ambulance, accompagnant sa fille à l'hôpital, il avait cherché des yeux Frank. Le garçon s'était volatilisé, comme s'il n'avait jamais été là. Un jeune homme dont personne ne connaîtrait le nom de famille, dont les services sociaux n'avaient même pas connaissance. Un fantôme. Une ombre. Etait-ce un ange gardien ?

dépressions image 5

 

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