Alors que Claude meurtrissait sa chair, la face congestionnée, les bras ensanglantés, à la fois fragiles et
puissants, Lavarcame contemplait le visage de son ennemi et jura mentalement qu’elle lui ferait payer sa victoire sur la Bretagne.
Mihi da filium, grogna son violeur.
La jeune femme n’eut pas besoin de traducteur pour comprendre les propos du Romain. L’Empereur désirait un
fils ?… La louve lui disait au contraire que leur enfant serait une fille. La déesse s’incarnerait en cette lune annonciatrice de grands changements à venir. La druidesse élèverait sa fille
comme l’instrument de la vengeance des dieux celtes sur les divinités romaines. Ce serait sa victoire à elle, en même temps qu’une revanche du roi et des dieux de ses pères.
Cette victoire, elle l’annoncerait dans le nom de son enfant : Andrasta.
* * *
Cette nuit-là, Garac apparut en rêve à Lavarcame. Ses paroles résonnèrent comme une
prophétie :
« Le temps de la trahison n’est pas encore révolu. Il te faudra attendre encore avant de rentrer au pays. Ton exil n’est pas vain, druidesse.
La louve de Bretagne t’a choisie. Elle te guidera dans ton épreuve. Ne doute pas d’elle : la louve reviendra vers toi en temps voulu.
Locuste est une adversaire redoutable. Cette sorcière est à l’apogée de son savoir. Ton apprentissage a été interrompu, tu n’es pas encore arrivée au terme de ta formation. Le temps est à la fois un ennemi et un allié. Patience.
L’amour est une force bénéfique qui fait tourner le monde. Ne la refuse pas. Les prêtresses de Rigantona ne sont pas des Vestales. »