Cerises ( 4 )

    Etait-ce la folle envie d'échapper à l'autorité parentale qui l'avait poussée à suivre Michel à Venise ? Elle le connaissait à peine. Elle avait trouvé romantique sa proposition: un séjour en Italie, à deux. C'était presque une fugue, une échappatoire hors du quotidien.

    Elle n'avait pris aucune précaution, et plus encore qu'une semaine de rêve, ce que Michel lui avait offert, ce fut un fils qu'elle n'attendait pas si tôt. Elle apprit plus tard que son séducteur avait déjà d'autres maîtresses. Il avait aimé en elle sa jeunesse, cette innocence qui lui avait fait dire non, la première fois où il lui avait proposé de faire l'amour. Elle était fragile et forte tout à la fois, nerveuse, fraîche et généreuse. Dans ses bras, elle avait connu le plaisir et l'en avait remercié. Michel avait aimé tenir ce rôle d'initiateur, et il aurait poursuivi si son corps souple et affolant était resté le même.

    Mais la grossesse la transforma, et son amant prit le large. La famille de Gabrielle recueillit l'oiseau blessé au nid, cependant le reproche se lisait dans le regard scandalisé de ses parents, qui pensaient  qu'elle aurait dû tout faire pour retenir le père de l'enfant à naître : des compromis, des supplications... Gabrielle n'était pas femme à se mettre à genoux.

    Ce bébé, même s'il était le fruit du hasard, né d'un couple mal assorti, désuni avant même d'avoir officialisé sa relation, elle souhaitait le mettre au monde. Elle l'aimait déjà.

    Elle abandonna ses études et la promesse d'une carrière intéressante pour devenir mère.