Dépressions ( Nouvelle de l'automne 1993 ) : 1

    Quel âge pouvait-il bien avoir, ce patient-là ? Son mutisme ne les renseignait guère. Pas d'identité connue, pas une parole. Où étaient ses parents ? Etait-il majeur ?

    Les ambulanciers l'avaient découvert dans un squatt, défoncé, désorienté. On l'avait conduit aux urgences psychiatriques.

    Des drogués de la sorte, le docteur Etienne Diacroix en avait déjà soigné plusieurs.

    Mais le cas présentait un élément différent: le jeune homme - qui devait avoir une vingtaine d'années, d'après sa stature - était blessé à l'épaule. Il avait reçu une balle, qui fort heureusement avait traversé les chairs sans se loger dans ses muscles.

    La plaie était mal soignée cependant. C'était peut-être pour cela que le patient avait consommé de l'héroïne. Pour faire taire sa douleur. Il aurait mieux valu qu'il se rende chez un médecin, bien sûr.

    Seulement, le jeune délinquant devait avoir un passif. Sinon, pourquoi préférer cette mise en danger, plutôt que des soins décents.

    Le docteur Diacroix avait pour mission de faire parler le patient. Apprendre son nom, son histoire. En une semaine d'interrogatoire forcé.

    S'il échouait dans sa tentative pour aider le jeune drogué, ce serait la police qui prendrait le relais.

    Qui avait tiré sur le blessé ? Pour quel motif ? Où le jeune homme s'était-il procuré la drogue ? Où vivait-il? Ses parents savaient-ils qu'il était aux urgences, puis en soins psy ?

    Les questions se bousculaient. Etienne Diacroix sentait monter une pression qu'il doutait de pouvoir gérer, sans la coopération de la victime.