Pour Océane
Il était une fois
une petite fille
dont la vie s'écoulait tranquillement,
loin de la ville,
à l'orée du bois,
dans une grande maison où résonnaient
souvent les rires de ses soeurs.
Sa maman avait surnommé cette bâtisse
" La maison du bonheur".
Depuis quelques mois pourtant,
la fillette ronchonnait souvent.
Pour être plus précis,
depuis l'arrivée
de sa petite soeur.
Il faut comprendre que
la petite n'était pas bien grande.
C'était même
la plus petite des grandes soeurs.
Mais elle n'était plus un bébé non plus. Elle était juste
une petite grande soeur.
Et ses parents
ne s'en étaient pas rendu compte,
mais la petite fille
avait bien du chagrin:
elle était régulièrement piquée par...
la mouche de la mauvaise humeur.
Ses malheurs
avaient débuté dans les bois,
quand elle s'était égratigné le genou.
Et que Maman
avait été trop occupée
pour lui faire
le bisou qui soigne tout.
Personne ne le savait,
mais dans le bois
vivait une mouche gris-noir.
Un insecte hideux et poilu.
Un véritable
monstre de cauchemar.
Taille riquiqui, dieu merci.
La mouche
de la mauvaise humeur.
Ce vampire,
assoiffé de sang frais,
avait jeté son dévolu
sur la chair ferme et savoureuse
de notre petite héroïne.
Depuis qu'elle avait goûté
la saveur sucrée
du bobo de la petite fille,
la mouche
n'avait plus
qu'une idée en tête:
piquer... bzzz....
cette belle enfant esseulée.
C'est ainsi que la petite fille devint grincheuse...
du jour au lendemain.
Quand sa nouvelle petite soeur prenait son bain
dans sa minuscule baignoire
et que la petite grande soeur
n'avait pas le droit de faire des bulles de savon,
pour ne pas piquer les yeux de bébé,
la petite fille hurlait,
hurlait.
Tous ses malheurs se coinçaient dans sa gorge,
pour former comme un bouchon de contrariété,
qui explosait d'un coup.
En un retentissant bang. Plop !
La sirène se mettait en route,
pour évacuer les soucis.
Le venin de la mouche de la mauvaise humeur
donnait un drôle de goût
aux idées noires de la petite grande fille.
Tous les jours,
la mouche piquait l'enfant,
sans que l'on voie de traces de dents.
Elle était maligne, la sale bête:
elle choisissait des bobos divers.
Les égratignures lui plaisaient particulièrement
car la mouche se délectait
des croûtes en voie de guérison.
Elles avaient un goût de souffrance
dont l'insecte était friand.
Un jour pourtant, à la fin de l'été,
la maman comprit
que sa petite fille était bien malheureuse.
Alors que les grandes soeurs
avaient pour mission de surveiller la poussette
de la petite soeur,
pendant que Maman chargeait des courses dans la voiture,
la plus petite des grandes filles
décocha un coup de pied
dans la roue de la poussette
où dormait sa soeur.
" Quelle mouche te pique ?" Hurla sa mère.
Une fois la colère passée,
la maman attendit l'heure du bain.
C'était le moment où les deux petites se baignaient ensemble
, avant le tour des deux grandes.
La maman ne gronda pas sa fille...
car elle venait de comprendre.
Le poison de la jalousie
s'était répandu autour du bobo
de la petite grande soeur.
Il fallait laver la blessure.
Avec l'eau du bain,
mais surtout grâce à la formule magique d'une maman.
Les lèvres embrassèrent le genou de la petite fille
en chuchotant:
" va-t-en, vilaine mouche de la mauvaise humeur.
Laisse ma fille chérie tranquille désormais.
Elle est protégée de tes attaques par mon baiser".
Alors la maman s'adressa à son enfant
en la prenant sur ses genoux pour la sécher:
" Je t'aime pour toujours ".
Et l'on entendit une petite voix
– ou plutôt un gazouilli –
s'élever du transat
dans lequel gigotait la toute petite soeur.
Ce gargouilli ressemblait à un " oi ossi ".
La petite fille sut
qu'elle serait protégée par l'amour de sa soeur.
Et plus jamais on ne revit
dans cette maison
la mouche de la mauvaise humeur.