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Le blog de Cendrine BERTANI

Le parcours d'une jeune romancière confrontée au monde de l'édition.

Noir comme le lait ( 2 )

Publié le 11 Juin 2010 par Cendrine BERTANI in Nouvelles

 

  • Est-ce que Ludo t'a parlé de la dernière lubie de ta tante ?

     

    Il fallait qu'elle mette les choses à plat. Qu'elle sache s'il lui en voulait.

    Elle avait trop longtemps tu ses doutes, ses errances. Elle voyait bien où sa solitude les avait menés. Leur deuil s'éternisait.

    Lui, il abordait la discussion d'un ton jovial. Comme si on allait lui raconter une bonne blague. Quand avait-elle pu sortir une anecdote rigolote ? L'avait-elle jamais fait, d'ailleurs ?

    C'était sa tactique à lui. Histoire de fuir le conflit, mais avec classe. Elle n'était pas dupe.

    Son homme, elle l'avait esquinté.

    Cela aussi, elle devrait se le pardonner. Si elle pouvait.

 

  • Qu'est-ce qu'elle a encore fait, celle-là ? L'an passé, elle a voulu lui apprendre à fabriquer du compost dans mon tiroir à chaussettes. Il y avait des vers, c'était dégueu. Tu te rappelles la tronche que j'avais en plongeant la main au hasard pour me dégotter une paire ?

  • Rien à voir. En l'occurrence, ça concerne notre vie de famille, pas l'écologie.

  • Ah ?

     

    Léger malaise. Monsieur venait de comprendre que Madame se moquait bien de ses chaussettes, de ses vannes, de sa tante, et visiblement de tout, au vu de sa mine renfrognée.

    Les attaques allaient pleuvoir. Tout le monde en prendrait pour son grade.

    Elle ne serait plus la seule dont elle exigeait trop. Comme toujours Ludo, son fils, serait épargné. Il était une zone franche.

 

  • Elle est mal placée pour donner des conseils, elle qui a fini vieille fille...

     

    Pourquoi ressentait-il toujours le besoin de défendre les autres ? Savait-elle seulement qu'il l'avait soutenue envers et contre tous, elle, quand il aurait pu la laisser sombrer ? Ne s'en montrerait-elle jamais reconnaissante ?

    Pourquoi fallait-il qu'elle soit si sévère, si injuste avec tout le monde. Les gens avaient besoin de s'accrocher aux autres.

    On avait de la compassion pour eux. Il n'y voyait pas de pitié. Juste un acte charitable. Et les en remerciait. Pas elle.

 

  • C'est sûrement pour ça que ma tante se préoccupe de nous. Elle n'a personne.

  • D'accord, elle se sent seule, mais ce n'est pas une raison pour vivre par procuration. Qu'elle laisse notre famille tranquille.

     

    Notre famille... Notre havre de guerre et de paix... Le pire avant le meilleur, s'il venait un jour.

    Elle ne comprenait pas que Viviane en faisait partie, au même titre que les autres. La cellule familiale ne se réduisait pas à Ludo... et à eux.

 

  • Qu'a-t-elle dit ?

  • Que nous devrions remplacer Gaëtan...

  • Ah ?... C'était maladroit... Malvenu... Désolé, chérie...

 

    Et voilà. Une parole malheureuse. Les gens sont trahis par le langage, qui les rend gauches, maladroits, même quand ils veulent bien faire.

    Ou bien l' interprétation de sa femme a été suggérée par un mal-être de plus en plus perceptible. Du moins voyait-il distinctement le problème.

    Trop tard. Pour leur malheur.

    Et devant les assauts du monde extérieur, il aurait encore le rôle du rempart. Le bouclier sur lequel les critiques de l'entourage rebondiraient, pour épargner son couple.

    Ce qui ne l'empêchait pas – elle – à l'occasion de soupçonner son mari de filtrer les informations circulant au-dehors. Ou – pire – d'en divulguer certaines, intimes. Les mauvais jours. Lorsqu'elle se montrait hostile, même vis-à-vis de lui.

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