C'était le temps des cerises, une période de l'année où le soleil donnait aux fruits une saveur inégalée. C'était aussi sa saison préférée: l'été n'était point encore trop avancé pour que l'herbe prenne cette teinte jaune, signe précurseur de l'arrivée d'une désolation flamboyante.
Etendue sur l'herbe fraîche de la rosée du matin, elle soupira en caressant la courbe gourmande d'une petite cerise mûre à point, avant de l'approcher amoureusement de ses lèvres. Un goût exquis se répandit en elle, lui laissant une impression d'insatisfaction irritante. Voilà l'inconvénient de ces fruits sucrés et juteux: ils se savouraient trop rapidement.
Lentement, elle tendit le bras pour en cueillir une autre, et elle redressa dans un effort matinal son corps encore gorgé de sommeil. Elle aimait descendre dès les premiers rayons de la journée, à l'heure où les oiseaux piaillaient à tue-tête avant de regagner leur nid, quand le soleil serait trop ardent. Quasiment nue, elle profitait en avant-première de la fraîcheur, et échappait un instant au jacassement des enfants, à leur réveil.
Ici, heureuse, elle profitait du paysage aimé, de l'herbe aux senteurs provençales, du réveil de la nature sous la rosée.