Le passé était mort. L'avenir n'offrait plus d'espoir. Voilà ce que Rolland avait fui. C'était une décision commune, singulière pour ceux d'ici. Mourir ensemble.
Dans le pays, on naît esclave des terres, sans trop y penser. On enterre ses parents avec leurs propres pères, on cultive les champs, on engrange pour l'hiver. Ceux qui ont trouvé une compagne se considèrent heureux. C'était avant que les enfants ne partent pour la ville, fuient leurs responsabilités, se retrouvent désemparés, expatriés, ailleurs...
Un soir d'hiver, alors que le toit de la grange s'était effondré, que les bêtes gelées avaient rendu l'âme, sous les ardoises ébréchées, les gravats et la paille qui étouffaient leurs râles, le couple, désespéré, avait planifié l'inavouable. Le moment était venu de capituler.
Le gel raidissait leurs membres, ankylosés d'avoir voulu dégager quelques brebis sous les décombres; la nature s'était pétrifiée sous les fils d'argent, et sans percevoir la beauté de ces filaments stellaires, leur coeur semblait s'être fracturé.
Rolland, le premier, avait tressé la corde de son destin. Sa résolution la convainquit, elle. Il fallait reconnaître leur défaite, face au vent.
Aujourd'hui, dans son champ de coquelicots, deux ans après le drame, elle se remémorait la scène.