Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Cendrine BERTANI

Le parcours d'une jeune romancière confrontée au monde de l'édition.

Le droit de savoir ( cinquième partie: fin )

Publié le 10 Janvier 2013 par Cendrine BERTANI in Nouvelles

Vous avez essayé de vous supprimer. D'une balle dans la tête. Qui n'a fait qu'effleurer votre boîte crânienne. Heureusement.

 

Pourquoi ? Qu'est-ce qui pouvait justifier un tel acte de désespoir ?

 

Pour cesser de souffrir, monsieur. Pour ne plus vous rappeler tous les matins que Dieu fait que votre épouse et votre fille sont décédées, il y a cinq ans, dans un accident de voiture très médiatisé.

Vous êtes un homme meurtri, monsieur Gassal. Et vous ne vouliez plus vous regarder en face.

Vous conduisiez ce jour-là votre fille à son mariage. Elle portait sa robe nuptiale. Elle était jeune. Blonde. Radieuse.

 

Pourquoi me dites-vous tout cela ? Vous voulez donc me faire souffrir de nouveau ?

Moi qui tentais d'effacer mes remords, de mettre fin à ces cauchemars qui hantaient mes nuits et enlaidissaient mes journées... Je ne me supportais plus. Je n'en pouvais plus de porter le fardeau de leur absence.

 

Vous êtes folle de me rappeler mes motivations. Je vais essayer à nouveau de me supprimer, maintenant que je me rappelle pourquoi je voulais mourir.

Ce sera donc celui-ci, mon souvenir numéro dix. Je me rappelle avoir pressé la gachette, en sueur, à demi ivre, trop lâche pour garder les yeux ouverts pendant que j'orientais la pointe du canon vers ma tempe. J'ai échoué.

J'avais oublié ma peine. J'aurais pu vivre sans remords. Commencer une nouvelle existence.

Eh bien non. Vous faites tout pour me rappeler que je devrais être mort.

 

Aucun psy digne de ce nom ne mettrait si crûment son patient au pied du mur, pour qu'il contemple la réalité, alors qu'il essayait de la fuir. Aucun ...

 

C'est que je ne suis pas votre thérapeute, monsieur Gassal. Non.

 

Vous aviez trop arrosé le mariage de votre fille, ce jour-là. Vous n'auriez pas dû prendre le volant, après les apéritifs. Vous saviez que votre femme et votre enfant ne pouvaient pas boucler leur ceinture, dans leurs robes à jupons démesurés.

Vous les avez conduites droit en enfer.

Vous méritez d'y brûler aussi.

 

Je ne pouvais pas vous laisser oublier vos péchés et finir votre existence dans une tranquillité imméritée. Cela aurait été trop facile.

 

Ce n'est pas digne d'un psy, non. Mais je n'en ai rien à faire. Réveillez-vous. Reprenez vos esprits. Ranimez vos douleurs.

Rappelez-vous vos fautes, vos sourdes angoisses. Que les remords s'emparent de nouveau de votre âme, et que vous trouviez le courage de reprendre une arme. Et visez juste, cette fois.

 

Reprenez connaissance, monsieur Gassal. Ecoutez mes conseils. Parce que moi, je suis ... votre conscience.

Commenter cet article