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Le blog de Cendrine BERTANI

Le parcours d'une jeune romancière confrontée au monde de l'édition.

Le droit de savoir ( quatrième partie )

Publié le 9 Janvier 2013 par Cendrine BERTANI in Nouvelles

Mon revolver ? Quel revolver ? Pour quoi faire ? M'en suis-je servi ? Qu'ai-je fait ? Mon Dieu... Ai-je tué quelqu'un ?

Vous ne me répondez pas ! C'est cela ? J'ai aussi du sang sur les mains ? Qui ? Pourquoi ? Bon sang ! Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à m'en souvenir ?

 

C'est un déni, dites-vous.

 

Ah ! Cela vous convient bien. Placer un mot savant, pour faire

"genre" Je-Sais-Tout, je fais partie des médecins, du côté des enquêteurs de police, de la loi, de la société, du citoyen bien pensant, qui paie ses impôts, qui vote aux élections, qui respecte les limitations de vitesse...

 

Qu'est-ce que viennent faire les limitations de vitesse dans tout ça ? Me demandez-vous. En quoi les personnes respectueuses des lois vous gênent-elles à ce point ? Etiez-vous un marginal, monsieur Gassal ?

 

D'où vient ce nom, d'abord ? Comment me connaissez-vous ?

 

J'aime le foot, figurez-vous. J'étais une de vos fans.

 

Votre réponse m'étreint le coeur. J'en ai la respiration coupée. Ainsi ai-je été célèbre ? Cette impression n'était pas une chimère. Mais alors, n'importe qui en sait plus que moi sur mon parcours. Et pourtant... Quelque chose m'échappe. J'avais un revolver... J'étais blessé... Tout est confus dans ma tête. Tout ce sang... Allez ! Dites-moi. Qu'ai-je fait ? Etais-je seul ? Etait-ce un accident ? Y eut-il d'autres victimes ? J'ai le droit de savoir.

 

C'est des conneries, cette histoire de se rappeler dix souvenirs. Pour quoi faire ? Le passé, c'est devenu une légende. La mienne. Et apparemment, presque tout le monde connaît mon histoire mieux que moi. Vous me trouvez prétentieux ? Peut-être.

Mais je persiste à croire qu'il est vraiment ridicule de me casser la tête à vous raconter que j'ai eu un chien à mon cinquième anniversaire ( allez ! je compte: ce sera mon souvenir trois ) ou que je me suis cassé le bras à douze ans en tombant d'un arbre ( souvenir quatre ), que j'ai embrassé ma première petite amie à treize ans ( souvenir cinq ) ou que j'ai eu mes premiers rapports sexuels à dix-sept ans ( souvenir six ).

 

Ah oui... Il faut préciser. Tout est inventé. Vous voulez entendre dix souvenirs ? Je vais vous les donner.

 

En numéro sept, nous dirons que je me rappelle avoir vécu ma première cuite à quinze ans. En huitième position, je retiendrais le bonheur d'avoir serré dans mes bras ma fille, le jour de sa naissance. J'ai bien dû ressentir tout cela, non ? Je suis quelqu'un de normal, après tout. Mon neuvième souvenir... ce serait la fête de mon mariage avec la mère de ma fille. Une noce gâchée par l'absence de mon père... irremplaçable. Quant au dixième souvenir... Je cherche. Mais est-ce que cela vous intéresse toujours ?

 

Des conneries, tout ça, vous dis-je. Je ne me rappelle rien, ou presque. Je n'ai plus de père. Je suis devenu vieux. J'ai été un grand footballeur. Que suis-je devenu ? Une ombre.

Ce que vous voulez, au fond, ce sont des aveux, doc'. Vous m'avez trouvé avec une arme. Vous me croyez dangereux. Quelqu'un a été blessé peut-être. Pas vrai ? Vous voulez que je reconnaisse avoir tué... Qui donc ?

 

Vos rêves. Ce que vous avez voulu éliminer, Monsieur Gassal, ce sont vos rêves. 

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