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Le blog de Cendrine BERTANI

Le parcours d'une jeune romancière confrontée au monde de l'édition.

Toutes des Messaline ( extrait 7 )

Publié le 17 Mars 2010 par Cendrine BERTANI in Concernant Entre Eve et Adam

 

    Quand je l'ai vu arriver, perchée sur des escarpins aux talons aiguilles, éblouissante dans un fourreau bleu électrique, j'ai pensé: quelle classe. Quelle audace ! Loin de se fondre dans la masse, on la repérait à 100 mètres à la ronde. Aucune discrétion. Comment allait-on pouvoir passer inaperçus ?

    De là l'idée de recourir à l'aide de tiers. Lorie n'était pas venue seule. Il y avait cinq copines avec elle. Pas des poufs. Des filles branchées, soignées. Son style, quoi. Pour occuper la patronne et distraire les vendeuses. Notre couverture. C'était ce que je croyais alors.

    Lorie m'avait bien parlé de son côté d'exhibitionniste, pas vrai ?

 

    Tout était réglé comme du papier à musique.

    La nana en cardigan fuschia monopolisa l'attention de Vanessa pendant dix bonnes minutes, tandis que les autres passaient en revue les présentoirs. Je bouillais de désir et d'impatience. D'autres acheteurs éventuels préférèrent repartir, devant l'affluence.

    Le jeu de deux autres complices, en noir et blanc, était volubile: elles saoûlèrent Julia de réflexions sur les tendances du printemps. De quoi décourager quiconque n'est pas obsédé par la mode. A l'usure, je crois que Julia les remercia presque mentalement quand elle l'envoyèrent en arrière-boutique chercher un modèle de 34 pour chacun des articles qu'elles avaient sélectionnés. Ridicule. A voir le cul des deux filles ( et je suis connaisseur ) aucune des deux ne faisait moins d'un 42 taillé étroit.

 

    Restait Béa. Devant sa caisse, fidèle au poste. Elle n'avait même pas fait une pause pour s'enfiler "son" petit café de quinze heures. Je ne compte plus les tasses. A son habitude, la patronne avait ramené son thermos pour éviter les allées et venues. Après tout, un client généreux pouvait demander son attention à tout instant. Le protocole du samedi, donc.

    Lorie le connaissait, de fait. Sinon pourquoi la nana en fuschia renversa-t-elle du café sur le corsage de Béatrice ? Comment aurait-elle pu prévoir que la patronne implorerait Vanessa de s'occuper de la caisse, le temps de rentrer changer de tenue ? L'espace réservé au personnel, adjacent aux toilettes des employés, est à l'étage.

    Nous avions cinq minutes. Dix tout au plus. Plus assez de temps pour réfléchir.

    Les copines distraieraient sans doute l'unique vendeuse présente en magasin. Facile: encaisser des articles au coup par coup prenait des plombes, surtout s'il fallait déballer et remettre en rayon des modèles. Vanessa s'apercevrait-elle de mon absence?...

    Ces filles étaient des pros...

- Nick ?
- Mmoui ?
- C'est maintenant ou jamais.
- Mais ?
- Ta collègue a la vue basse, non ?
- Un QI de sardine. Comment le savez-vous ?
- J'enquête depuis pas mal de temps.
- Pour m'avoir ?
- C'est ça... Tu viens ?

    Il ne fallait pas me le dire deux fois. Surtout si on se tutoie.
- 'Sûr.

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